En février 2024, Variety abordait la question de la tombée prochaine de Superman dans le domaine public. Elle survenait un an après l'article d'un de nos chroniqueurs sur la problématique juridique constante autour de Superman. Les "démêlés" des créateurs Jerry Siegel et Joe Shuster avec la maison Detective Comics (DC) durant leur activité, comme la lutte de leurs descendants pour les droits sur Superman et Superboy, etc. après leur mort, montrent un combat de longue haleine pour prendre la main sur l'icone culturelle mondiale.
2034 semblait alors être l'année de tous les frissons pour DC et Warner Bros. Discovery, avec l'espoir d'une accalmie d'ici là, mais une plainte ces dernières semaines vient en donner de nouveau dès 2025, alors que le projet de relance de l'univers DC s'apprête à décoller l'été prochain avec Superman, avant Supergirl en 2026.

L'affaire légale ?
Selon Deadline, qui montre la plainte déposée au tribunal du district sud de New York par la succession du créateur de Superman Joseph Schuster, l'exécuteur testamentaire et neveu Mark Warren Peary poursuit Warner Bros. Discovery et DC Comics.
La plainte
Le motif ? De "la contrefaçon continue" et des "droits de propriétés" non respectés à l'international, cadre du déploiement du film à venir. Il affirme que ces entreprises n'ont pas les droits de sortir le prochain film Superman dans plusieurs pays que sont le Canada, le Royaume-Uni, l'Irlande et l'Australie.
Le plaignant déposait donc plainte le 31 janvier 2025 pour obtenir "des dommages-intérêts et des mesures de redressement" dans "toutes les juridictions concernées" contre DC Comics, DC Comics Inc., DC Entertainment et Warner Bros. Discovery (WBD).
Un passif compliqué
Cependant, ce n'est pas une première. Cela entre dans une histoire progressive de désamour entre le duo créatif et DC depuis la vente des droits au prédécesseur de DC en 1938 pour seulement 130 dollars (65 dollars chacun).
En 1947, le litige autour de Superboy a amené à un procès en faveur du duo, alors que DC gardait les droits sur Superman. Un accord signé avec DC donnait ensuite à la firme les droits sur le personnage jusqu'à leur licenciement. De retour en 1959 chez DC Comics, Siegel allait écrire pour Superman jusqu'en 1965, année d'une tentative de reprendre les droits pour Superman. Le duo est de nouveau débouté et Siegel viré en 1966.
En 1975, Warner Brothers (devenu propriétaire de DC peu après 1966) cède sous la pression des médias et d'une campagne de Siegel et de professionnels de l'industrie pour obtenir une rémunération plus équitable. Ils accordent à Siegel et Shuster une allocation annuelle, une couverture médicale complète et la mention de leurs noms dans toutes les productions futures de Superman en échange de ne jamais contester la propriété de Superman. Les deux hommes acceptaient et la saga semblait terminée... jusqu'en 1996. S'ensuit une longue série de procès intentés par les successions. En 1992, les successeurs de Joe Shuster semblaient prendre le même accord que leur aïeul, mais à la mort de Jerry Siegel en 1996, les successeurs Siegel repartaient à la bataille jusqu'à un accord pris en 2001 pour quelques millions de dollars et une allocation annuelle de 500000$ en échange de l'octroi permanent des droits sur Superman... avant qu'au début des années 2000, les deux familles ne tentent de récupérer de nouveau les droits.
En 2003, comme le rappelle la plainte déposée, les héritiers de Shuster ont déposé une demande de résiliation de la cession pour leur moitié des droits d'auteur de Superman. Pour eux, malgré tout, cette cession ne s'appliquerait qu'au droit d'auteur américain, n'aurait pas d'application extraterritoriale et les prétendus droits des firmes n'aurait aucun effet en dehors des États-Unis. Les successeurs auraient donc de droits partout ailleurs. En 2004, la famille Siegel a intenté un procès à DC/Warner. Bien que le juge ait d'abord statué en faveur de la famille Siegel, la cour d'appel a déterminé que l'accord de 2001 était juridiquement contraignant., tout comme l'accord de 1992 avec la famille Shuster.
La problématique actuelle
Après les droits de résiliation sur le droit d'auteur selon la loi américaine, l'aura internationale envisagée pour l'affaire offre une dimension nouvelle à exploiter en termes de droits de réversion.
Il est ici question des droits d'auteur étrangers sur le personnage et l'histoire originaux de Superman, coécrits par Jerry Siegel et Joe Shuster. Bien que Siegel et Shuster aient cédé les droits mondiaux de Superman en 1938, les lois sur le droit d'auteur des pays de tradition juridique britannique (comme le Canada, le Royaume-Uni, l'Irlande et l'Australie) contiendraient des dispositions qui mettent automatiquement fin à ces cessions 25 ans après le décès de l'auteur, conférant à la succession Shuster les droits d'auteur indivis des coauteurs (soit la copropriété sur les créations intellectuelles) dans ces pays.
Joe Shuster est décédé en 1992 et Jerry Siegel en 1996. Cela signifie que les successeurs auraient des droits depuis 2017 pour l'un et 2021 pour l'autre et que les entreprises ne peuvent exploiter Superman dans toutes ses formes (films, séries et produits dérivés) sans leur autorisation dans les pays évoqués. C'est dans cette direction que les successions va tenter de prendre une part du "gâteau".
La plainte donne le détail des "infractions" soulevées en lien avec Superman depuis 2017 au Royaume-Uni, Irlande et Australie ; depuis 2021 au Canada : les films comme la Justice League (2027), la Zack Snyder's Justice League (2021) en passant par Black Adam (2022) ou The Flash (2023), les animations comme la DC League des Super-Pets (2021) jusqu'à Justice League: Crisis on Infinite Earths en 2024 en passant par My Adventures with Superman (depuis 2023), les séries comme Supergirl (2015-2021) jusqu'à Superman et Lois ces derniers mois. Il faut y ajouter les jeux vidéos comme Lego-DC Supervillains (2018) jusqu'à Multiversus en 2024, ainsi que l'ensemble des produits dérivés.
Autant dire que c'est une attaque en règle de toute la manne Superman, une manne considérable !
Le film en danger ?
Nous ne sommes pas expert juridique, donc nous ne sommes pas en mesure de valider ou non le bien-fondé de cette plainte, mais ce développement des litiges offre une occasion immanquable de faire mal à la maison Warner alors qu'elle espère se refaire une santé grâce à son fleuron.
Si WBD n'entend pas lâcher la poule aux œufs d'or et combattra très férocement, ce procès qui peut se révéler extrêmement coûteux tombe au plus mauvais moment. Le plaignant a demandé au tribunal de faire en sorte que les sociétés contestées interrompent temporairement voire de façon permanente toute action durant le temps de l'affaire... au risque donc d'empêcher la sortie du film et toute action commerciale ?
Sans présumer du résultat du procès ni de la justification juridique de la plainte, il est difficile pour tout observateur de ne pas y voir une action délibérée alors que le film est annoncé depuis plusieurs mois déjà et que la bande-annonce a énormément marqué les fans et le public dans le monde.
Aura-t-on un nouvel accord entre les parties ? Quel sera l'impact sur la sortie du film ?
Nous suivrons chez Planet Superman la réaction de WBD et l'évolution de l'affaire pouvant impacter la sortie de Superman, prévue le 9 juillet 2025 en France.
JA
Sources : Deadline, ScreenRant
Comments