Né le 28 août 1917, Jack Kirby, souvent surnommé le "Roi des comics", est principalement reconnu pour ses créations épiques chez Marvel telles que Captain America, les Fantastic Four, les X-Men, Thor et bien d'autres. Cependant, sa période chez DC Comics, bien que plus courte (1970-1974), est tout aussi impactante et novatrice avec sa saga Le Quatrième Monde qui constitue une incroyable contribution au monde du comics et particulièrement à Superman.
Son style et ses expérimentations ont détonné à l'époque, mais l'artiste a influencé lecteurs et artistes sur des générations. Son passage sur Superman's Pal Jimmy Olsen #134 et #135 reste emblématique.
Voyons dans cet article comment The King of Comics a œuvré pour L'homme d'acier !
Jack Kirby en quelques mots ?
Jacob Kurtzberg est le fils d'immigrés autrichiens de confessions juive, né à New York dans un milieu modeste frappé par la crise et les guerres. Il se passionne très tôt pour le dessin et la bande dessinée et tente de faire son trou dès les années 1930 tout en travaillant.
Celui qui deviendra "le Roi" est un amoureux des récits de Jules Verne et d'Alexandre Dumas. Il passe par les Studios Fleischer, écrit et dessine des comics strips sous pseudonyme, avant de collaborer dans le studio de WIll Eisner et Jerry Iger (The Spirit) et de monter son studio en duo avec Joe Simon. En tant que freelances, ils travaillent pour National Comics (futur DC Comics) comme pour Timely Comics (futur Atlas Comics puis Marvel Comics). Il s'y révèle avec la création de Captain America en 1941, en jouant avec la perspective révolutionnaire qu'il apporte et le contexte politique qu'il y présente.
La réalité à partir de 1943 le rattrape en servant le drapeau durant la Deuxième Guerre mondiale notamment en France. De retour en 1945 aux États-Unis, le duo écrit des histoires dans des genres variés (romance, western, policier, science-fiction, horreur et paranormal) alors que la situation mondiale est complexe et la censure présente. L'artiste œuvre alors temporairement chez Atlas Comics jusqu'en 1957, puis chez DC Comics avec plus ou moins de succès (Green Arrow et Les Challengers de l'inconnu dans Showcase, etc.) jusqu'à sa démission en 1959 suite aux tensions juridiques avec Jack Schiff concernant les Sky Masters of the Space Force.
En 1958, sa rencontre avec le jeune éditeur Stan Lee lui permet de revenir chez Atlas Comics alors en difficulté. Le duo Lee/Kirby relance (ou profite de la relance de) la popularité des super-héros en sortant en novembre 1961 les Fantastic Four (Les 4 Fantastiques) pour concurrencer notamment La Ligue de Justice d'Amérique de DC. Nous sommes au début du Silver Age. La méthode Stan Lee, proposant au dessinateur de développer et mettre en scène librement à partir d'une base scénaristique simple qu'il complète plus tard, révolutionne la publication de séries et la création de personnages. On trouve ainsi sous le crayon de Jack Kirby des personnages qui deviendront cultes comme Captain America, les 4 Fantastiques, Hulk, Thor, les Avengers, les X-Men, Black Panther, le Surfeur d'argent, etc.
Il participe même à la création de Spider-Man comme d'Iron Man, dessinés finalement par Steve Ditko et Don Heck, etc, mais en 1970, la place prédominante de Stan Lee, sur le crédit des personnages notamment, l'amène à quitter Marvel.
Il se tourne alors vers DC Comics en espérant avoir un contrôle total, une carte blanche en tant qu'éditeur, scénariste et dessinateur, sur ses créations. Mais il y a une condition : reprendre une série existante. Il se penchera sur Superman's Pal Jimmy Olsen pour créer une nouvelle saga.
Vers la saga Le Quatrième Monde
Un univers novateur
Lorsque Kirby rejoint DC Comics en 1970, il introduit une fresque mythologique appelée Le Quatrième Monde.
Lorsque vous abordez les comics sur L'homme d'acier, c'est une œuvre incontournable sur le Superman avant le Modern Age.
Constituée de quatre séries principales (New Gods, Mister Miracle, The Forever People et Superman's Pal Jimmy Olsen), cette saga est une exploration audacieuse des thèmes cosmiques, de la bienveillance et de la malveillance, représentées respectivement par les planètes New Genesis et Apokolips.
New Genesis est un paradis dirigé par Highfather, tandis qu'Apokolips est un enfer industriel sous le contrôle du tyrannique Darkseid.
Kirby a utilisé ces deux mondes pour explorer des idées sur le bien, le mal, la liberté, l'oppression et la quête éternelle de Darkseid pour l'Équation d'Anti-Vie, qui lui permettrait de contrôler toute pensée et toute volonté dans l'univers.
Superman's Pal, Jimmy Olsen : une porte d'entrée au Quatrième Monde
Même si l'idée de faire de Jack Kirby le scénariste et l'artiste de Superman's Pal Jimmy Olsen semblait étrange au premier abord, cela a donné à Kirby l'occasion parfaite de jeter les bases de son Quatrième Monde.
Dans les numéros 134 et 135, nous voyons la première apparition de la "Mountain of Judgement", un véhicule gigantesque et mystérieux, ainsi que de la "Wild Area", une région étrange et sauvage peuplée de gangs de motards futuristes, les Outsiders, créés dans le #133.
Mais plus important encore, le numéro 134 nous présente le méchant intergalactique Darkseid pour la première fois, bien que ce ne soit qu'un caméo. Cela annonce l'importance croissante de ce personnage dans l'ensemble du Quatrième Monde et au-delà, ainsi que les différents groupes de personnages comme The Newsboy Legion (créée en 1942 par Kirby avec Joe Simon et qu'il réintroduit), le groupe des Hairies, un des peuples de DNAliens de cette saga, etc.
Les personnages sont ensuite introduits progressivement dans les numéros de Superman's Pal Jimmy Olsen (#133 à #148 en avril 1972) ainsi qu'en alternance dans les autres séries :
The Forever People #1 à #11 : la série est arrêtée en octobre 1972 ;
The New Gods #1 à #11 : la série est arrêtée en octobre 1972 (un deuxième cycle est ouvert sans Kirby, mais avec Gerry Conway en 1977, #12 à #19) ;
Mister Miracle #1 à 18 : la série est arrêtée en février 1974 (un deuxième cycle reprend jusqu'au numéro #25 sans Kirby, mais il n'est généralement pas inclus dans Le Quatrième monde d'origine de Kirby. Le personnage fera son retour dans les comics à partir de 1989 avec d'autres équipes créatives).
Jack Kirby tiendra les quatre séries en parallèle avec des intrigues propres et un fil rouge d'ensemble pour sa saga. Il expérimente et fait preuve d’énormément de créativité avec du dynamisme, de la perspective inédite, des tons et des ambiances dans des mondes différents, avec un style qui lui est propre, celui de Jack Kirby.
Toutefois, cette saga n'a pas rencontré son public à l'époque, avec un échec commercial traduit par l'arrêt des séries. Il faudra attendre 1985 pour que Jack Kirby achève sa fresque avec le roman graphique, pour DC, The Hunger Dogs.
Un problème avec le Superman de Kirby ?
Le Roi du comics était donc pendant quelques périodes le roi chez DC et chez Marvel inspirant la bande dessinée pendant de longues années par sa créativité.
Néanmoins, son passage dans les années 1970 n'est pas resté dans les mémoires de façon totalement positive en ce qui concerne Superman. On évoque que certains exécutifs chez DC demandaient des retouches de son travail afin que le personnage ne s'écarte trop pas visuellement du modèle approuvé par la marque. Ils refusaient de voir un style "Marvel" pour garder plutôt un style "DC".
On trouverait donc, semble-t-il, des têtes de Superman et de Jimmy Olsen redessinées avec des mentons moins carrés, la boucle supermanesque ajustée ou encore le S de la famille El refaçonné.
Un des biographes de Jack Kirby, Mark Evanier, rapporte que la pratique de la retouche des dessins des artistes par un autre n'était pas rare. Il indique que Kirby voyait par conséquent ses dessins des premiers numéros de Superman's Pal Jimmy Olsen retouchés par Murphy Anderson, Vince Colletta, Mike Royer ou encore Neal Adams au moment de leur encrage, voire par Al Plastino (travaillant pourtant comme Kirby dans les années 1940-1950).
Oui, Jack ne pouvait pas dessiner l'emblème de la poitrine de Superman (C'était la seule chose au monde que je dessinais mieux que Jack Kirby et il m'a demandé de le dessiner pour lui dans certains numéros). Et oui, il lui arrivait souvent de ne pas obtenir la boucle distinctive du front. Mais je pensais que son Superman était par ailleurs très bien, et en le retouchant, ils se sont retrouvés avec un choc de styles et un grand nombre de lecteurs perplexes.
La problématique posée par cette pratique, outre l'estime plus qu'écornée de l'artiste, était qu'elle était incompatible avec le fait de demander un "Superman par Kirby" avec une volonté annoncée de "moderniser" le personnage.
Même le "roi du comics" était contesté dans son royaume et cela a pu expliquer les dissensions ou tensions avant son départ en 1975.
Conclusion : l'héritage de Jack Kirby chez DC
Bien que sa période chez DC ait été marquée par des tensions éditoriales, le travail de Kirby sur le Quatrième Monde a laissé une empreinte indélébile sur la mythologie de l'entreprise.
Des personnages comme Darkseid, Mister Miracle et Big Barda sont devenus des piliers de l'univers DC.
De plus, le passage de Kirby sur "Jimmy Olsen" a non seulement revigoré la série, mais a également posé les bases pour des décennies d'histoires passionnantes, prouvant que le "Roi" pouvait transformer même le titre le plus inattendu en une aventure épique.
Son Darkseid a inspiré le Thanos de Jim Starlin créé en 1973. On retrouve ensuite les développements qu'il n'a pu mener chez DC chez le concurrent Marvel en s'inspirant de son univers notammant dans sa série des Eternels en 1976.
Ses personnages influencent même le cinéma puisqu'un film New Gods étaient encore en projet en novembre 2022 avec Tom King au scénario et la cinéaste Ava DuVernay.
En conclusion, bien que Jack Kirby soit souvent associé à Marvel (où il retournera en 1975), son travail chez DC Comics, en particulier Le Quatrième Monde et ses numéros de "Jimmy Olsen", montre la portée de sa créativité et son influence durable dans le monde des bandes dessinées bien après sa disparition en 1994.
Captain Morpheus
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