Superman 2025 : La revanche du comic book sur le cinéma
- Cyril Morpheus
- il y a 20 heures
- 6 min de lecture
Non, notre amour du personnage ne nous rend pas aveugles. Superman 2025 est loin d'être une œuvre cinématographique au sens traditionnel du terme, et encore moins une masterclass de mise en scène ou de narration classique. Au contraire, cette œuvre se veut innovante - certes - mais surtout, elle marque un tournant : celui de la revanche du comic book sur le cinéma.

Comic Book et cinéma
Trop souvent, le 7e art a utilisé le matériau des comics pour l’adapter, le lisser, parfois jusqu’à le trahir, au nom d’une sacro-sainte "accessibilité grand public". Cette fois, le paradigme s’inverse. Le cinéma n’impose plus ses règles au comic book — c’est le comic book qui reprend la main. Et Superman 2025 en est le manifeste.
Le comic book movie entre aujourd’hui dans une nouvelle ère.

Il était pourtant clair, dès les premières images des trailers, que tout le monde ne serait pas convié à la fête. Le ton adopté, l’apparition de Krypto, des robots et d’autres éléments emblématiques des comics, annonçaient sans ambiguïté la couleur : Superman 2025 serait un film grand public. Un Superman accessible, coloré, familial - comme on n’en avait plus vu depuis Superman Returns en 2006.
À partir du moment où ce postulat est accepté, il devient incohérent d'exiger de ce film ce qu'il n’a jamais promis d’être. On ne peut reprocher à un film de ne pas être ce qu’il ne prétend pas incarner. Superman 2025 n’aspire pas à la noirceur ou à la profondeur philosophique d’un drame existentiel : il vise autre chose, avec clarté, sincérité et légèreté.
James Gunn libère enfin les amoureux de comics de cette attente frustrante imposée par le cinéma traditionnel : celle de devoir sans cesse "mettre à niveau" les spectateurs non-initiés. Trop souvent, les adaptations ont dilué la richesse des personnages pour les rendre accessibles à un public profane, comme l’a fait Marvel pendant des années, en insistant sur le développement systématique de chaque figure, parfois au détriment du rythme ou de la fidélité à l'œuvre d’origine.
Une nouvelle expérience
Ici, Gunn fait le pari inverse : il plonge le spectateur dans un monde où les méta-humains existent depuis 300 ans. Il ne s’embarrasse pas d’explications interminables. Les profanes sont invités à rattraper leur retard, pendant que les connaisseurs, eux, peuvent savourer une immersion totale dans un univers dense, assumé et déjà richement structuré. Un geste fort, un hommage sincère à ceux qui ont grandi avec ces mythes imprimés entre les mains.

Toute personne arrivant en salle avec une idée arrêtée de ce que doit être Superman au cinéma risque de passer à côté de l'expérience. Car Superman 2025 prend volontairement à contre-pied les projections mentales les plus ancrées, y compris chez certains fervents amateurs du personnage. Il ne s’agit pas ici d’une énième déclinaison de ce que chacun imagine être "son" Superman, mais bien d’une vision singulière, assumée, proposée par un auteur qui connaît les codes et choisit délibérément de les imposer !
Comme nous l'avons souvent répété lors de nos lives et dans plusieurs articles, la France, d’un point de vue culturel, ne s’y retrouvera sans doute pas. Le personnage de Superman souffre ici d’un déficit de notoriété, non seulement sur le plan des comics, mais aussi sur celui de sa mythologie et de son lore profond. Il est donc logique d’observer un fossé grandissant entre la réception française et celle du public américain. Les références, les subtilités et même l’émotion portée par le film ne résonneront pas de la même manière dans une culture qui, depuis toujours, a eu du mal à s’approprier L'homme d’acier dans toute sa richesse.

Une fois que l’on accepte le postulat qu’il s’agit d’un film familial, et que James Gunn ne prendra pas le spectateur par la main pour (re)développer des personnages qui existent depuis près d’un siècle, beaucoup de réactions observées sur la toile deviennent soudainement incohérentes. En réalité, nombre de spectateurs n’ont pas été déçus par le film lui-même, mais par le décalage entre leurs attentes préconçues et la proposition réelle de l’auteur. Ils attendaient un film qui n’a jamais prétendu exister. Les trailers, à eux seuls, annonçaient clairement la direction empruntée : qui était invité et qui ne l’était pas.
Il s’agit d’un pari risqué pour certains, mais d’un véritable soulagement pour d’autres. Il suffit d’observer la sociologie des spectateurs qui ont pleinement adhéré à la proposition du film : ce sont souvent des profils frustrés de longue date par les adaptations passées, marquées par des compromis permanents avec le cinéma traditionnel. Pour ces amoureux du matériau d’origine, Superman 2025 agit comme une libération. L’œuvre ne cherche plus à s’excuser d’être un comic book : elle en revendique fièrement l’héritage et en fait sa force.
On critique alors ?
Nous ne sommes pas un site spécialiste ni puriste de cinéma. Nous ne sommes que des cinéphiles du dimanche, mais surtout des amoureux de comics et de Superman. Il ne s’agit donc pas ici d’une critique cinématographique académique, mais d’un ressenti de passionnés. Et puisque, semble-t-il, ce sont surtout les reproches qui retiennent l’attention du public, concentrons-nous sur les quelques points négatifs que nous avons relevés.
Le principal reproche, partagé par une grande partie des spectateurs, concerne le rythme du film et le déséquilibre narratif entre certaines séquences. Plusieurs passages paraissent "rushés", comme si des éléments avaient été tronqués ou précipités. Travaillant sur le sujet depuis plusieurs mois, nous savons que le film a été remonté : à l’origine, il était conçu comme un hommage aux Action Comics, avec plusieurs petites histoires connectées par un fil rouge. L’objectif initial était de présenter le nouvel univers DC et ce nouveau Superman à travers une série d’interludes formant un ensemble cohérent mais morcelé.
Sous la pression du studio, James Gunn a été contraint de revoir sa copie et de proposer un film plus conventionnel, plus linéaire. Résultat : certaines scènes semblent avoir été coupées, d’autres condensées, ce qui engendre par moments une impression de flottement ou de rupture de ton. Ce manque d’assumation pleine et entière du format d’origine nuit parfois à la fluidité du récit. Pour nous, c’est là que réside l’un des rares vrais défauts du film.
Un autre point faible notable concerne la musique. James Gunn n’est pas particulièrement connu pour ses compositions orchestrales originales, mais plutôt pour son utilisation habile de chansons populaires dans ses films. Ici, cela se ressent. Le score peine parfois à accompagner l’élan narratif ou à intensifier la portée épique de certaines séquences. Là où l’on aurait pu attendre des envolées musicales à la hauteur du mythe de Superman, on se retrouve avec des ambiances qui manquent de puissance ou de mémorabilité.
Enfin, James Gunn manque parfois l’opportunité de faire de Superman une figure pleinement iconique. Il y a des amorces, des débuts de grandeur, mais ces moments ne sont pas suffisamment appuyés ou prolongés. Le film nous présente un Superman encore en devenir, un homme en construction, en "année 3" diront certains, à l’image du Batman de The Batman qui en était à son "année 2" (NDLR : inside joke pour les initiés). Il ne s’agit donc pas du Superman à son apogée, mais d’un personnage qui ne demande qu’à évoluer.

Ce choix, s’il peut frustrer certains fans en quête de scènes d’anthologie, laisse en réalité entrevoir un immense potentiel pour la suite. Il y a encore beaucoup à construire, beaucoup à explorer. Et cela, pour nous, est porteur d’espoir.
En conclusion
Pour conclure sur une note plus personnelle : voilà un film qui nous aura laissés pleins d’émotions. Et ces émotions-là, aucune critique, aucun spécialiste, aucun expert ne saurait les analyser ou les traduire fidèlement. Aucune grille de lecture rationnelle ne pourra expliquer pourquoi nous nous sommes sentis ainsi. Ces ressentis-là n’appartiennent qu’à ceux qui les ont vécus. Personne ne pourra nous faire penser ou ressentir autrement que ce que nous avons vécu, dans notre chair, dans notre cœur.
Le film divise, oui — et c’est peut-être la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Car dans cette division, dans cet écart de perceptions, réside l’appel à une chose essentielle : aller se faire son propre avis. Dans une époque saturée de commentaires, de jugements immédiats et de formats courts, Superman 2025 nous rappelle que parfois, seule l’expérience individuelle a du sens. Et si ce film ne fait pas l’unanimité, tant mieux : il vivra, discuté, débattu, revisité. Et c’est cela aussi sa force.

En résumé, si vous n'êtes pas prêt à consentir aux efforts demandés par les trailers, aux choix artistiques posés par James Gunn et à offrir enfin leur revanche aux comics face au cinéma, alors ce film n’est tout simplement pas pour vous.
Captain Morpheus, rédacteur en chef de Planet Superman
Sources visuelles : Howie Noel