Avec l'imminence du retour de l'acteur Henry Cavill sous la cape de L'homme d'acier, faisons un bond en arrière pour revenir aux origines du personnage dans le DC Universe (DCU).
Qui est le kryptonien dans la vision de Zack Snyder et quelle image de lui a-t-il œuvré à construire dans son film sorti en 2016 ? Radiographie d'un héros résolument ancré dans son époque.
Nous vous proposons ce dossier en 2 parties. C'est parti pour le premier épisode !
SPOILER ALERT : Cet article révèle des éléments de scénario du film et des citations de dialogue !
NDLR : Toute référence se fonde sur l'édition Ultimate Cut du film Batman v Superman (BvS).
1. Aux origines
2012. Christopher Nolan boucle sa trilogie sur Batman le Chevalier Noir avec un succès critique et commercial indéniable. Chez Warner Bros., il paraît urgent de réitérer l'exploit en redonnant vie à une autre franchise éloignée du grand écran : Superman.
L'opus de Bryan Singer sorti en 2006 étant plus un hommage appuyé à l'iconographie des films de Christopher Reeve, il conviendrait de dépoussiérer l'image du héros rouge et bleu pour le faire entrer de plain-pied dans ce nouveau siècle. Le studio s'empresse donc de mandater Nolan pour une version modernisée du Kryptonien. Mais il a l'esprit déjà tourné vers d'autres réalisations et refuse finalement de prendre en main le projet, persuadé d'avoir fait le tour de ce qu'il avait à dire sur le genre super-héroique avec son Batman milliardaire au box-office.
Endossant le rôle de producteur sur le projet Superman, Nolan va toutefois présenter au studio un homme prêt à saisir la caméra : Zack Snyder.
Le réalisateur américain a déjà démontré son savoir-faire sur les adaptations de comics avec 300 et Watchmen. Et quand il débarque dans les bureaux de la Warner, ce n'est pas un film qu'il a en tête, mais plusieurs. Et ce n'est pas un seul héros qu'il veut ramener à la vie, mais tout un univers cohérent et extensible à souhait.
Une véritable manne pour le studio et une ambition démesurée qui ne rebute pas pour autant les financiers. Car Snyder voit très grand. Il réalisera 5 films qui présenteront et développeront les personnages iconiques de l'univers DC. Une suite de longs métrages, articulée et progressive, qui devait déboucher sur la formation de la Justice League et l'affrontement climatique avec un antagoniste à la mesure de ces héros charismatiques :
Superman en 2013 dans Man of Steel (MoS),
Batman dans Batman v Superman en 2016,
Wonder Woman dans le film du même nom, confié en 2017 à la réalisatrice Patty Jenkins, mais toujours produit par Snyder.
L'idée est de développer un univers cinématographique tournant autour de ces figures mythiques du folklore de DC. Plusieurs films sont annoncés pour honorer les héros tels que The Flash, Aquaman et Cyborg ; des projets qui seraient confiés à d'autres réalisateurs que Snyder qui souhaite se concentrer sur sa pentalogie.
Une fois son Man of Steel tourné, Snyder enchaine avec BvS. Mais qu'a-t-il en tête pour Superman après l'accueil pas complétement rassurant de son premier métrage ? Quelle est sa vision du personnage que le public ne semble pas encore prêt à complétement embrasser ? Pourquoi fait-il ces films ?
2. Un premier rendez-vous manqué ?
Malgré un box-office à plus de 600 millions de dollars, le MoS de Snyder ne convainc pas tout le monde et refroidit quelque peu la Warner. Le public ne semble pas se retrouver complétement dans ce personnage jugé trop sombre et les financiers, très envieux des recettes de la concurrence marvélienne, commencent à tiquer. Les premières crispations envers Snyder commencent à poindre, mais la suite est tout de même lancée.
Sauf que dans l'idée du réalisateur, Man of Steel n'est pas un film sur Superman, du moins pas celui que l'on connaît. Le titre n'en porte pas le nom, Lois Lane n'a pas le temps de prononcer le mot, et surtout il tue Zod à la fin. Car le Kal-El de MoS n'est qu'un héros en formation qui apprendra de ses erreurs.
Pour Snyder il doit partir d'une zone grise pour finalement se révéler en pleine lumière par ses actes en devenir. A la fin du métrage, tous les éléments sont en place pour faire de lui le héros que tout le monde reconnait. Il est donc normal qu'il ne soit pas encore devenu l'Homme de Demain. Son costume plus lumineux, plus brillant dans BvS semble annoncer son ascension vers la lumière...
3. Une vision snydérienne déconstruite...
Partant donc d'un Superman acculé, tuant son ennemi incontrôlable - et s'attirant au passage les premières foudres d'un public dérouté - Snyder entend le ramener en pleine lumière dès BvS.
Revêtant un costume bleu plus vif et embrassant son rôle de journaliste au Daily Planet, sauveur de l'humanité à ses heures perdues, Superman va compléter sa caractérisation tout au long des 3 heures de la version ultimate du film.
Déjà consacré héros pour certains, il va incarner par son ultime sacrifice la figure divine et altruiste tant espérée. Et personnifier l'idée fondamentale liée à son personnage ; l'espoir retrouvé.
Une sanctification qui passera par un chemin de croix à l'image de la Passion du Christ chez les chrétiens. Le réalisateur va déconstruire la figure toute-puissante de L'homme d'acier à travers le prisme d'une société cynique et en perte/quête de repères.
4. Deus ex Machina
Pour Zack Snyder, les superhéros sont les figures mythologiques de notre époque post-moderne.
Ce sont des Dieux qui foulent notre sol et s'affrontent dans des combats de Titans pour nous sauver. Si le combat final contre Doomsday rassemble des dieux en les personnes de Superman et Wonder Woman, cette idée trouvera sa pleine expression dans le film Justice League où toute l'humanité et les dieux tels Zeus ou Athéna s'uniront pour défaire in extremis Darkseid lors de sa première apparition dans notre monde.
Superman, dans le premier tiers du film, apparait bien comme un sauveur dans les diverses scènes narrant ses exploits. La famille, réfugiée sur le toit de sa maison inondée, y peint son symbole plutôt que de s'en remettre à dieu, Superman apparaissant comme un ange nimbé de lumière céleste.
Sauvant les habitants de Juarez piégés par le feu, ceux-ci se prosternent devant lui en tentant de le toucher. Dans l'esprit des sauvés, Superman est sans conteste un Dieu vivant prodigueur de miracles.
Un caractère divin très vite remis en doute...
5. Une humanité malmenée
Si Snyder déconstruit la magnificence de Kal-El, c'est pour dans un premier temps mieux l'humaniser et s'attirer l'empathie du public.
En le fragilisant dans sa relation au monde, le réalisateur veut en faire un être faillible aux antipodes de l’icône inattaquable véhiculée dans les comics. Clark est d’abord fragilisé dans sa relation avec Lois Lane.
Malgré tous les efforts de son amant jouant les amoureux prévenants et imprévisibles (Clark rentre des courses avec des fleurs pour Lois avant de la rejoindre tout habillé dans son bain), Lois réalise que sa relation avec Clark l'a mise en danger et qu'elle est passée tout près de mourir, son carnet de journaliste l'ayant seul sauvée d'une balle lui étant destinée .Est-elle sûre de vouloir continuer ?
Et c'est encore dans la peau de Clark journaliste que la figure héroïque est mise à mal.
Perry White le prend clairement pour un "nerd", un intello un peu coincé qui veut changer le monde par ses articles. Mais il faut vendre et les résultats du match de football Gotham-Metropolis intéressent davantage que les rêves de justice d'un petit journaliste épris de justice et de vérité.
Reflet d'une époque cynique et d'un média contraint à renoncer à ses idéaux pour survivre, Perry assène à Clark que "la conscience de l’Amérique est morte". Il singe ses velléités journalistiques en tournant en ridicule le journalisme d'investigation qu'il juge dépassé : "L'eau ça mouille ! en gros titre !!"
Le divertissement seul semble vendre. Perry réclame cet article sportif que Clark tarde à lui rendre et le sensationnel lui illumine le regard quand il voit inscrit en gros titres "Fin de la lune de miel avec Superman ?".
L'ingénuité de Clark sera définitivement écrasée par les paroles de Jonathan Kent que le héros retrouve sur la montagne dans une apparition recherchée à la suite d'un pèlerinage en Arctique. Si Clark est en proie aux doutes quant au bien-fondé de sa mission, son père tel un prophète lui rappelle que tout acte héroïque dessert quelqu'un.
L'anecdote de l'enfance de Jonathan une fois révélée, Clark réalise que sa mission ne peut être que frustrante et pavée d'échecs, à l'opposé de l’idéal entrevu par Jor-El, son père biologique, qui lors d'une autre forme d'apparition, lui avait assuré qu'il pouvait sauver tout le monde (in MoS).
Ces deux testaments construits en miroir redessinent la fonction du superhéros mais aussi l'humanisent terriblement. S'il a la puissance d'un dieu, son héritage humain le ramènera aussi au caractère imparfait de sa destinée, le rapprochant des hommes qu'il espère sauver.
Snyder va toutefois aller encore plus loin dans sa caractérisation du personnage. Et c'est à travers l’œil d'un autre héros qu'il va draper d'un voile sombre et menaçant cet alien venu des étoiles...
Fin de l'épisode 1, la suite dans les prochains jours... ;)
Bravo pour les articles